Traité de protectorat passé et signé le 11 août 1863 signé avec le gouverneur de la Cochinchine Pierre-Paul de La Grandière et Sa Majesté Norodom 1er
Convention entre la France et le Cambodge, le 17 juin 1884, signé avec le gouverneur Charles Thomson et le Roi Norodom 1er.
Contexte:
La France, en 1862, s’installe et prend contrôle de la Cochinchine (Kampuchea Krom).
Ensuite, profitant de la menace que l’expansion du Siam (Thailande) fait peser sur le Cambodge, comme sur le Laos, elle impose son protectorat à ces deux (Cambodge et Laos) royaumes afin d’avoir le contrôle complet sur l’Indochine et avoir accès au fleuve du Mekong.
Traité de protectorat passé le 11 août 1863 entre S.M. l’Empereur des Français et S.M. le Roi du Cambodge.
En conséquence, S.M. le Roi du Cambodge et M. le gouverneur de la Cochinchine sont convenus de ce qui suit.
Article premier.
S.M. l’Empereur des Français accorde sa protection à S.M. le Roi du Cambodge.Article 2.
S.M. l’Empereur des Français nommera un Résident français auprès de S.M. le Roi du Cambodge qui sera chargé, sous la haute autorité du Gouverneur de la Cochinchine, de veiller à la stricte exécution des présents lettres de Protectorat.S.M. le Roi du Cambodge pourra nommer un Résident cambodgien à Saïgon, pour communiquer directement avec le Gouverneur de la Cochinchine.
Article 3.
Le Résident français aura au Cambodge le rang de Grand Mandarin, et il lui sera rendu dans un tout le royaume les honneurs dûs à cette dignité.Article 4.
Aucun consul d’une autre nation que la France ne pourra résider auprès de S.M. le Roi du Cambodge ou dans aucun lieu de ses États, sans que le Gouverneur de la Cochinchine en ait été informé et se soit entendu à cet égard avec le gouvernement cambodgien.Article 5.
Les sujets français jouiront dans toute l’étendue du royaume du Cambodge d’une pleine et entière liberté pour leurs personnes et leurs propriétés. Ils pourront circuler, posséder et s’établir librement dans toutes les possessions et dépendances de ce royaume, lorsqu’ils en auront informé un grand Mandarin cambodgien qui leur livrera un permis.Article 6.
Les sujets cambodgiens jouiront dans toute l’étendu de l’Empire français d’une pleine et entière liberté pour leurs personnes et leurs propriétés. Ils pourront circuler, posséder et s’établir librement dans toutes les possessions et dépendances de cet Empire, lorsqu’ils en auront informé un officier français compétent qui leur délivra un permis.Article 7.
Lorsqu’un Français établi ou de passage dans le royaume du Cambodge, aura quelque sujet de plainte ou quelque réclamation à formuler contre un Cambodgien, il devra d’abord exposer ses griefs au Résident français qui, après avoir examiné l’affaire, s’efforcera de l’arranger à l’amiable. De même, quand un Cambodgien aura à se plaindre d’un Français, le Résident écoutera sa réclamation avec intérêt et cherchera à ménager un arrangement amiable, mais dans l’un et l’autre cas, si la chose est impossible, le Résident français requerrait l’assistance d’un fonctionnaire cambodgien compétent, et tous deux, après avoir examiné conjointement l’affaire, statueront suivant l’équité.Le Résident français s’abstiendra de toute intervention dans les contestations des sujets cambodgiens entre eux ; de leur côté, les Français dépendront, pour toutes les difficultés qui pourraient s’élever entre eux de la juridiction française, et l’autorité cambodgienne n’aura à s’en mêler en aucune manière, non plus que des différents qui surviendraient entre Français et Européens, qui seront jugés par le Résident français. Les crimes commis par des sujets français, dans le royaume du Cambodge seront connus et jugés à Saïgon par les cours de justice compétente. Dans ce cas, le gouvernement cambodgien donnera toutes facilités au Résident français pour saisir le coupable et le livrer au Gouverneur de la Cochinchine. En cas d’absence du Résident français le commandant des forces françaises le remplacera pour exercer la justice.
Article 8.
Tous les Français qui voudront s’établir dans le royaume du Cambodge devront se faire inscrire à la chancellerie de la résidence française et le Résident en avisera le gouvernement cambodgien.Article 9.
Tous les Cambodgiens qui voudront s’établir dans les possessions de S.M. l’Empereur des Français, devront se faire inscrire auprès du Résident cambodgien à Saïgon, qui en informera le Gouverneur de la Cochinchine.Article 10.
Les marchandises importées ou exportées par navires français dans le Cambodge, lorsque leurs propriétaires seront munis d’un permis du gouvernement de Saïgon, seront admises en franchise de tous droits dans tous les ports du royaume du Cambodge, excepté l’opium qui sera soumis aux droits.Article 11.
Les navires chargés de marchandises cambodgiens qui auront acquitté les droits au Cambodge, s’ils sont munis d’un permis du Gouvernement cambodgien, visé par le Résident français, seront admis en franchise de tous droits dans tous les ports ouverts de la Cochinchine.Article 12.
Les Français voyageant en qualité de savants, tels que naturalistes, géographes, etc. donneront avis de leur commission au gouvernement cambodgien, ils en recevront les soins et bons offices de nature à les aider dans l’accomplissement de leur mission et à faciliter leur voyage dans l’intérieur du pays.Article 13.
Dans le cas où des navires français seraient attaqués ou pillés par des pirates dans des parages dépendants du royaume du Cambodge, l’autorité locale du lieu le plus rapproché, dès qu’elle aura connaissance du fait, en poursuivra activement les auteurs et ne négligera rien pour qu’ils soient arrêtés et punis conformément aux lois. Les marchandises enlevées, en quelque lieu et quelqu’état qu’elles se trouvent, seront remises à leurs propriétaires ou, en leur absence, entre les mains d’une autorité française qui se chargera de les restituer. Si l’on ne pouvait s’emparer des coupables, ni recouvrer la totalité des objets volés, les fonctionnaires cambodgiens, après avoir prouvé qu’ils ont fait tous leurs efforts pour arriver à ce but, ne sauraient être pécuniairement responsables.Il en sera de même pour les actes de pillage et de vol qui auraient été commis sur les propriétés des Français établis dans le royaume du Cambodge. L’autorité cambodgienne, après avoir prouvé qu’elle a fait tous ses efforts pour saisir les coupables et recouvrer la totalité des objets volés, ne saurait être rendue pécuniairement responsable.
Article 14.
Dans le cas où des navires cambodgiens seraient attaqués ou pillés par des pirates, dans des pays dépendant de l’Empire français, l’autorité locale du lieu le plus rapproché, dès qu’elle aura eu connaissance du fait, en poursuivra activement les auteurs et ne négligera rien pour qu’ils soient arrêtés et punis conformément aux lois. Les marchandises enlevées seront remises à leurs propriétaires ou, en leur absence, entre les mains de l’autorité cambodgienne, qui se chargera de les restituer. Si on ne peut s’emparer des coupables, ni recouvrer la totalité des objets volés, les fonctionnaires français, après avoir prouvé qu’ils ont fait tous leurs efforts pour arriver à ce but, ne sauraient être rendus pécuniairement responsables. Il en sera de même pour les actes de pillages et de vol qui auraient été commis sur des propriétés de Cambodgiens habitant sur le territoire français. L’autorité française, après avoir prouvé qu’elle fait tous ses efforts pour saisir les coupables et recouvrer la totalité des objets volés, ne saurait être rendue pécuniairement responsable.Article 15.
Les missionnaires catholiques auront droit de prêcher et d’enseigner. Ils pourront, avec l’autorisation du gouvernement cambodgien, construire des églises, des séminaires, des écoles, des hôpitaux, des couvents et autres édifices pieux, sur tous les points du royaume du Cambodge.Article 16.
S.M. l’Empereur des Français, reconnaissant la souveraineté du Roi du Cambodge Somdach Préa Norodom Bareraksa Prea Moha Obarach, s’engage à maintenir dans les États l’ordre et la tranquillité, et à protéger contre toute attaque extérieure, à l’aider dans la perception des droits de commerce, et à lui donner toute facilité pour établir une communication entre le Cambodge et la mer.Article 17.
Pour faciliter l’exécution des articles précédents, le Gouverneur de la Cochinchine, désirant obtenir un terrain à l’endroit nommé Chruey-Chanva, ou les Quatre-Bras, pour y construire un dépôt de charbon et des magasins d’approvisionnements pour les navires français, S.M. le Roi du Cambodge consent à donner le terrain, en amont de la partie réservée, à l’extrême pointe, pour construire un fort ; le terrain concédé devant avoir quinze sem, ou cinq cents mètres environ sur les deux rives. Si, sur ce terrain se trouvait une pagode ou lieu sacré, on le respecterait.Si d’autres établissements devenaient nécessaires pour l’établissement de la station française, le Roi examinerait la demande que lui en ferait le Gouverneur de la Cochinchine et l’accorderait aux mêmes conditions que la concession précédente.
Article 18.
En connaissance de la protection que lui accorde, S.M. l’Empereur des Français, S.M. le Roi du Cambodge concède à la France le droit de choisir, abattre, débiter, exploiter dans les forêts de son royaume, les bois propres aux constructions des vaisseaux de la marine impériale. Les agents français chargés de cette exploitation devront en donner avis au grand Mandarin cambodgien, qui leur délivrera les lettres et autorisations nécessaires. Toutefois, les frais d’exploitation restent à la charge du gouvernement français.
Les Français qui commerceront au Cambodge devront débattre à l’amiable le prix d’achat avec les vendeurs.Article 19.
La présente convention ne sera valable et ne pourra être mise en vigueur qu’après avoir été ratifiée par S.M. l’Empereur des Français.En foi de quoi, S.M. Somdach Préa Norodom Prom-Bareraksa Préa Moha Obarach, Roi du Cambodge, et le plénipotentiaire, Gouverneur et Commandant en chef de la Cochinchine soussignés, ont signé la présente convention en triplicata et y ont apposé leur sceau.
Palais d’Oudong, le onze août mil huit cent soixante-trois, correspondant au 27e jour de la lune d’Assath de l’année Kor, mil deux cent vingt-cinq.
De La Grandière Cachet du Roi
Commandant en chef.
Convention entre la France et le Cambodge, le 17 juin 1884, pour régler les rapports respectifs des deux pays.
Entre S.M. Norodom Ier, Roi du Cambodge, d’une part ; et M. Charles Thomson, Gouverneur de la Cochinchine, agissant au nom de la République française, en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés, d’autre part ;
Il a été convenu ce qui suit :
Article premier.
S.M. le Roi du Cambodge accepte toutes les réformes administratives, judiciaires et commerciales auxquelles le gouvernement de la République française jugera, à l’avenir, utile de procéder pour faciliter l’accomplissement de son protectorat.Article 2.
S.M. le Roi du Cambodge continuera, comme dans le passé, à gouverner ses États et à diriger leur administration, sauf les restrictions qui résultent de la présence convention.Article 3.
Les fonctionnaires cambodgiens continueront, sous le contrôle des autorités françaises, à administrer les provinces, sauf en ce qui concerne l’établissement et la perception des impôts, les douanes, les contributions indirectes, les travaux publics et en général les services qui exigent une direction unique ou l’emploi d’ingénieurs ou d’agents européens.Article 4.
Des Résidents ou Résidents adjoints, nommés par le gouvernement français et préposés au maintien de l’ordre public et au contrôle des autorités locales, seront placés dans les chefs-lieux de province et dans tous les points où leur présence sera jugée nécessaire. Ils seront sous les ordres du résident chargé, aux termes de l’article 2 du traité de 1863, d’assurer, sous la haute autorité du Gouverneur de la Cochinchine, l’exercice régulier du protectorat, et qui prendra le titre de Résident général.Article 5.
Le Résident général aura droit d’audience privée et personnelle auprès de S.M. le Roi du Cambodge.Article 6.
Les dépenses d’administration du royaume et celles du protectorat seront à la charge du Cambodge.Article 7.
Un arrangement spécial interviendra après l’établissement définitif du budget du royaume, pour fixer la liste civile du roi et les dotations des princes de la famille royale.La liste civile du roi est provisoirement fixée à trois cent mille piastres ; la dotation des princes est provisoirement fixée à vingt-cinq mille piastres dont la répartition sera arrêtée suivant accord entre S.M. le Roi du Cambodge et le Gouverneur de la Cochinchine. S.M. le Roi du Cambodge s’interdit le droit de contracter aucun emprunt sans l’autorisation du gouvernement de la République.
Article 8.
L’esclavage est aboli sur toute l’étendue du royaume.Article 9.
Le sol du royaume, jusqu’à ce jour, propriété exclusive de la couronne, cessera d’être inaliénable. Il sera procédé par les autorités françaises et cambodgiennes à la constitution de la propriété au Cambodge.
Les chrétientés et les pagodes conservent en toute propriété les terrains qu’elles occupent actuellement.Article 10.
La ville de Phnom-Penh sera administrée par une commission municipale composée : du Résident général ou de son délégué, Président ; de six fonctionnaires ou négociants français nommés par le Gouverneur de la Cochinchine ; de trois Cambodgiens ; un Annamite ; deux Chinois ; un Indien et un Malais nommés par S.M. le Roi du Cambodge, sur une liste présentée par le Gouverneur de la Cochinchine.Article 11.
La présente convention, dont en cas de contestation, et conformément aux usages diplomatiques, le texte français fera seul foi, confirme et complète le Traité du 11 août 1863, les ordonnances royales et les conventions passées entre les deux gouvernements en ce qu’ils n’ont pas été contraire aux dispositions qui précèdent.Elle sera soumise à la ratification du gouvernement de la République Française, et l’instrument de ladite ratification sera soumis à S.M. le Roi du Cambodge dans un délai bref que possible.
En foi de quoi, S.M. le Roi du Cambodge et le Gouverneur de la Cochinchine ont signé le présent acte et y ont opposé leurs sceaux.
Fait à Phnom-Penh, le 17 juin 1884.