Le pillage de sable au Cambodge est une ressource très prisée par les grandes entreprises. Le Royaume a été le principal fournisseur de sable de Singapour jusqu’en 2009.
La difficile législation des extractions au Cambodge, où les licences d’exploitation sont accordées dans des circonstances douteuses : elles sont souvent délivrées aux proches du Premier Ministre ou du Parti au pouvoir, sans se préoccuper d’études d’impact. Cela pose alors la question de la place de la corruption dans le marché du sable.
Mais aussi, une grande partie de la croissance économique rapide du Cambodge au cours des dernières décennies peut être attribuée à une substance: le sable.
Des maisons et des immeubles sont construits avec, des îles créées et des zones humides remplies.
Mais alors qu’il est extrait en masse des rivières du Royaume, les considérations environnementales dans l’industrie obscure sont difficiles à trouver.
Selon les données fournies au Globe par le ministère des Mines et de l’Énergie, en 2019, environ 9 millions de mètres cubes de sable ont été dragués, transportés et utilisés principalement pour nourrir une industrie de la construction d’une valeur de près de 10 milliards de dollars en 2019.
Le volume officiel de sable cambodgien extrait en 2019 pourrait former un cube avec des arêtes d’un peu plus de 208 mètres. C’est à peu près la hauteur du projet en construction Gold Tower 42 se situant à Phnom Penh encore en travaux , qui sera l’un des plus hauts bâtiments du Cambodge une fois terminé.
Une entreprise appartenant au fils du magnat du bois Try Pheap et identifiée dans les médias nationaux comme fournissant du sable pour remplir les zones humides du sud de la ville de Cheung Ek , et une autre drague connue sous le nom de Kun Sear Company.
Singapour plus grand demandeur de sable
Pour gagner des terres sur la mer et construire de hauts immeubles, Singapour s’approvisionne en sable au Cambodge. L’extraction du sable menace aujourd’hui de saccager tous les écosystèmes des côtes cambodgiennes.
La faim de sable des promoteurs immobiliers continue de nourrir une extraction incontrôlée en Asie du Sud. Pour alimenter les projets d’expansion sur la mer du territoire de Singapour, les entrepreneurs de la cité-Etat ont besoin de sable, qu’ils vont chercher désormais en grande partie au Cambodge.
Mais, selon un rapport de l’ONG britannique Global Witness, publié mardi 11 mai, ces achats se font sans un contrôle rigoureux des conditions d’extraction, aux dépens des ressources naturelles cambodgiennes.
Si l’industrie de la construction de Singapour se tourne ainsi vers le Cambodge, c’est, entre autres, parce que le Vietnam aurait interdit, en juin 2020, l’export de sable tiré de ses rivages. Motivée par le souci de protéger son littoral et les rives de ses fleuves contre une accélération de l’érosion due à l’extraction de sable, cette décision s’ajoute aux embargos et aux quotas déjà imposés par l’Indonésie et la Malaisie.
La plupart des licences d’extraction de sable au Cambodge, souvent délivrées à des proches du premier ministre Hun Sen ou du parti CPP au pouvoir, seraient accordées sans que soit pratiquée une étude d’impact environnemental.
Certains permis ont même été attribués dans des zones protégées ou à proximité d’écosystèmes précieux et de sites où résident des espèces aquatiques en danger, selon Global Witness.
Les pêcheurs interrogés par l’ONG dans les zones d’extraction notent, par ailleurs, une diminution des réserves de poissons et de crustacés. Malgré les promesses faites en mai 2009 par le gouvernement cambodgien de réguler l’extraction et d’endiguer le trafic, des permis ont continué d’être octroyés depuis un quelques années, conduisant à un développement des prélèvements, notamment dans une réserve naturelle.
De son côté, Singapour nie que le sable soit importé dans leur pays sans un respect des lois et un suivi de l’impact environnemental de l’extraction au Cambodge, condamnant « l’exportation illégale ou la contrebande de sable ». Les deux pays semblent se satisfaire du statu quo. Selon le monde.
Et ce malgré, tout, les relevés des douanes sont remplis d’incohérences.
Entre 2007 et 2015, Phnom Penh aurait vendu 16,2 millions de tonnes de sable à Singapour, selon le ministère des Mines et de l’Énergie.
Les chiffres officiels de la ville-État évoquent, eux, 73 millions de tonnes importées. Sur l’année 2016, les officiels cambodgiens annoncent avoir exporté 14800 tonnes vers Singapour, alors que cette dernière dit en avoir reçu 6,6 millions, soit 443 fois plus.
Le volume élevé d’extraction de sable cambodgien est surtout alimenté par la demande venant de Singapour. Or, « les garde-fous et les contrôles mis en place par la cité-Etat pour s’assurer des conditions d’extraction du sable ne sont pas assez stricts », estime George Boden, chargé de campagne au sein de Global Witness.
Les agences gouvernementales de Singapour vérifieraient la qualité physique du sable importé, mais pas les éléments permettant d’évaluer l’impact de leur extraction, posté par LeMonde.
De son côté, Singapour nie que le sable soit importé dans leur pays sans un respect des lois et un suivi de l’impact environnemental de l’extraction au Cambodge, condamnant « l’exportation illégale ou la contrebande de sable ». Les deux pays semblent se satisfaire du statu quo.
De ce fait, le Cambodge est devenu l’épicentre d’un vaste commerce de sable, pour répondre aux besoins gargantuesques de ses voisins ravageant les écosystèmes locaux et fragilisant les habitants.
La réalisatrice cambodgienne Kalyanee Mam, dénonce cette situation dans un court-métrage intitulé Lost World.
Elle y montre comment l’extraction du sable des rivières de l’île de Koh Sralau a provoqué l’extinction de la faune et de la flore, notamment de la mangrove. Le documentaire explique comment le sable cambodgien a permis de construire l’Ecoparc de Gardens by the Bay à Singapour, une attraction qualifiée de « verte » par les autorités locales
Le reportage Lost World :
Du sable également exporté illégalement vers les pays voisins de l’ouest et de l’est
Le sable serait transporté illégalement en camion vers la Thaïlande ou le Vietnam, moyennant un pot-de-vin, selon Mother Nature.
La majorité du sable extrait au Cambodge est vendue à l’étranger. En 2016, le pays a exporté 7,4 millions de tonnes de sable, selon les statistiques des Nations unies. Singapour en a absorbé 89 %. Le reste est allé en Chine, aux Philippines, au Japon, aux Maldives, en Corée du Sud et à Taïwan.
Le pays a pourtant déclaré une série de moratoires sur l’exportation de sable, mais ils sont incomplets et peu respectés.
Après le dernier, décrété en 2017, les villageois de Koh Sralao ont vu des barges miner du sable durant la nuit. Celui-ci serait exporté illégalement sur des camions qui passent les frontières terrestres avec la Thaïlande ou le Vietnam.
« Ils ont détruit notre fleuve. L’eau est trouble et il n’y a presque plus de poissons ! » Vey Van Ning est en colère lorsqu’il embarque sur son bateau le 27 juillet dernier.
En compagnie d’autres pêcheurs, de leur famille et d’activistes de l’organisation Mother Nature, il se dirige vers l’embouchure du fleuve Andoung Teuk. Sur place, les riverains réussissent à chasser les dragueurs et péniches des sociétés vietnamiennes Rainbow International et Direct Access qui par dizaines acheminent leur cargaison de sable vers Singapour.
Sur la plate-forme d’e-commerce Alibaba, on trouve en outre plusieurs annonces, mises en ligne par une entreprise vietnamienne appelée AB Trading, proposant d’acheter du sable de rivière cambodgien.
Le Vietnam n’exporte pas son sable aux étrangers depuis 2008
Le Premier ministre Nguyên Xuân Phuc avait demandé au ministère de la Construction d’étudier les répercussions de l’arrêt définitif de l’exportation du sable décidé par le Cambodge.
Cette demande a été faite à la suite d’une information dans le journal Tuôi tre Online (Jeunesse) paru le 13 juillet 2017 sur la décision du Cambodge d’arrêter définitivement ses ventes du sable pour des raisons d’ordre environnemental.
Le Vietnam continuant de ne pas exporter son sable à l’étranger, le chef du gouvernement a donné instruction au ministère d’étudier l’arrêt définitif de l’exportation du sable par le Cambodge.
Le Premier ministre Nguyên Xuân Phuc a également demandé d’examiner les impacts de cette décision et d’assister les localités dans l’assurance de la stabilité du marché des matériaux de construction local posté par lecourrier.vn
L’interdiction de l’export de sable au Cambodge en 2009
Le premier ministre cambodgien Hun Sen avait interdit en 2009 l’exportation du sable des rivières et des zones côtières du pays suite aux protestations des habitants contre la destruction de la nature.
Cependant, cette interdiction ne semble intéresser ni les entreprises ni les autorités. Le 30 juillet 2020, le membre de l’opposition Son Chhay a appelé Hun Sen à « prendre davantage de mesures pour arrêter le dragage illégal qui ramène peu de revenus à l’État mais a de graves conséquences sur l’environnement et sur les moyens de subsistance des habitants. »
L’industrie du dragage du sable au Cambodge compromet fortement le milieu côtier, en menaçant les espèces en voie de disparition, le stock halieutique et les moyens de subsistance de la population locale.
Rien ne laisse paraître que des mesures de protection basiques en matière d’environnement aient été appliquées ni que les autorités locales aient été consultées par rapport aux mouvements continus de bateaux et au dragage du sable, souvent dans des zones protégées.
De ce fait, la supposée interdiction gouvernementale de mai 2009 relative au dragage du sable devient un objet de risée.
Lorsque le sable n’est pas exporté, le sable cambodgien sert à alimenter le marché immobilier de Phnom Penh, où les tours de verre et les condos de luxe poussent comme des champignons.
Voir la pétition pour demander au Cambodge et à Singapour de mettre un terme au fléau de l’extraction de sable : https://www.sauvonslaforet.org/petitions/1010/halte-a-lextraction-de-sable#more