Attention à l’appropriation culturelle : quand un symbole khmer devient un produit marketing français

L’appropriation culturelle ne se résume pas à “s’inspirer” d’une culture. Elle commence lorsque des éléments traditionnels, chargés d’histoire et de signification, sont repris, détournés et transformés pour servir un concept commercial.

C’est précisément ce qui se produit lorsqu’un élément khmer, comme le krama, est utilisé pour créer un produit marketing au storytelling français.

Le krama : un symbole, pas un matériau marketing

Le krama n’est pas un foulard quelconque.
C’est un textile traditionnel profondément inscrit dans l’identité khmère.

Chaque tissage porte une histoire :

• le quotidien des familles
• les gestes transmis
• la culture, la mémoire, les racines
• une symbolique forte dans la société khmère

Le krama n’a jamais été conçu pour devenir un “accessoire tendance” ni un objet décoratif.
Encore moins une matière première pour fabriquer des sacs destinés à un marché français.

Le problème : extraction du sens + réinvention française

Lorsqu’une marque récente, créée par des Français au Cambodge, reprend le krama pour en faire des sacs, tote bags ou accessoires “réinventés”, plusieurs problèmes se posent :

• Il n’est plus présenté comme un symbole traditionnel, mais comme une “matière originale” utilisable à volonté.
• Le produit final ne respecte plus la fonction initiale
• On passe d’un foulard identitaire à un sac d’inspiration française. Le sens est effacé.

Le storytelling met en avant la marque, pas la culture

Le discours devient :
“Regardez ce que nous avons créé.”
Et non :
“Voici un héritage khmer que nous transmettons avec respect.”

L’ajout du motif Vichy crée une confusion culturelle

Le mélange Krama + Vichy n’a aucune cohérence. On fusionne un symbole khmer et un motif typiquement français pour créer un produit hybride qui n’appartient à aucune culture. C’est une esthétique marketing, pas une transmission culturelle.

Aucune transparence sur la provenance des kramas

On ignore :

• où ils sont achetés
• qui les fabrique
• si ce sont de vrais artisans khmers
• si la rémunération est juste
• si la tradition est respectée

Ce flou entretient l’illusion d’une “création” française, alors que la base est entièrement khmère.

Le danger : effacement culturel et réappropriation commerciale

Quand un symbole khmer est utilisé comme une simple matière première, deux risques apparaissent :

L’effacement de la culture d’origine

Le krama devient un accessoire stylisé.
Son histoire, sa fonction, son héritage disparaissent derrière une vision française du design.

La récupération économique

La marque bénéficie de l’esthétique khmère. Mais les artisans, la culture, les communautés d’origine ne sont pas visibles, reconnues ou mises au centre.

Le produit final porte une façade “culturelle”, mais il est décorrélé de la culture.

Pourquoi la diaspora khmère réagit ?

Parce que la diaspora connaît la valeur réelle du krama. Parce qu’elle voit le glissement dangereux :

• ce qui est khmer est transformé
• la version française devient “trend”
• l’objet original perd son sens
• les créateurs non khmers deviennent les “visages” du produit
• la culture d’origine est invisible derrière un marketing bien présenté

Et surtout :
parce que nos symboles ne sont pas des supports commerciaux.

Conclusion : revisiter, oui. Effacer, non.

Réinterpréter un symbole khmer peut être une démarche artistique ou culturelle.
Mais le faire sans transparence, sans respect et sans reconnaissance transforme un héritage en simple produit de consommation.

Le krama n’est pas un motif.
Ce n’est pas un accessoire.
Ce n’est pas un matériau marketing.
C’est un symbole culturel.
Et un symbole culturel mérite d’être transmis, pas rebrandé.

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